ESPAÇO
PEDAGÓGICO
DIÁLOGO COM
EDUCADORES
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Pierre Dardot, Christian Laval
v. 28, n. 1, Passo Fundo, p. 404-411, jan./abr. 2021 | Disponível em www.upf.br/seer/index.php/rep
Dialogue avec les éducateurs
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Pierre Dardot
Christian Laval
Le premier numéro de la Revista Espaço Pedagógico du Programa de Pós-Gra-
duação em Educação de la Universidade de Passo Fundo (PPGEDU/UPF) qui sera
publié aux premiers quatre mois de 2021 a pour thème Éducation et socialisation.
L’invitation à la collaboration de Pierre Dardot et Christian Laval dans la section
Dialogue avec les éducateurs se justifie par la contribution de ces chercheurs à
l’analyse sociologique des transformations en cours dans le monde, des multiples
dimensions du néolibéralisme comme politique, mais aussi comme culture (modes
de vie). Les contributions importantes de Dardot et Laval, notamment dans les
ouvrages La nouvelle raison du monde : Essai sur la société néolibérale (2009),
Commun : Essai sur la révolution au XXIe siècle (2014) et celui de Laval L’école
n’est pas une entreprise : Le néo-libéralisme à l’assaut de l’enseignement public
(2003), ont contribué aux études et réflexions dans des disciplines, séminaires,
groupes de recherche, thèses et mémoires du PPGEDU. C’est un plaisir pour nous,
les organisateurs, ainsi que pour la collaboration décisive du doctorant Regiano, de
pouvoir établir ce dialogue plus direct à partir de questions articulées au thème de
la revue et des recherches développées par Dardot et Laval.
Questions :
1. Le néolibéralisme produit un ensemble de transformations politiques et indi-
viduelles. Quelles sont-elles et comment ces transformations interfèrent-elles
dans les processus de socialisation et d’individualisation?
Pendant longtemps, on a pensé que le néolibéralisme était avant tout une
certaine forme de politique économique, qu’il consistait à revenir à un type de ca-
pitalisme très dur, à un régime de surexploitation des travailleurs. Ce n’est pas
faux mais on passait à côté de l’originalité du néolibéralisme comme technologie
de pouvoir pouvant s’appliquer à de multiples domaines, on manquait ainsi l’une
Recebido em: 15/09/2021 – Aprovado em: 15/09/2021.
http://dx.doi.org/10.5335/rep.v28i1.12804
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de ses caractéristiques principales : son ubiquité. Le néolibéralisme comme forme
de pouvoir étend la logique capitaliste à la vie entière, et en particulier à la sub-
jectivité, au domaine intime, à la représentation de soi. Ce n’est pas seulement
un individualisme, une promotion de l’individu contre la société, car cela est trop
général. Les individus sont mis dans des situations telles qu’ils doivent vivre dans
un régime de compétition, et sont soumis à des pressions de toutes sortes afin
qu’ils aillent toujours plus vite, qu’ils aillent au-delà d’eux-mêmes, comme le com-
mande l’idéologie du sport de compétition. Pour obtenir ce résultat, il convient que
la socialisation dans son sens le plus général d’intégration des valeurs collectives
s’opère selon une logique concurrentielle plutôt que coopérative, et que l’individu
fonctionne comme un capitaliste de lui-même, c’est-à-dire qu’il se valorise subjec-
tivement comme s’il était un capital. En ce sens, l’éducation joue un rôle majeur
dans la fabrication de ces nouvelles subjectivités. Cela a été l’enjeu de mes tra-
vaux personnels : je voulais convaincre dès les années 1990 le plus de gens dans
les milieux éducatifs, et surtout les syndicalistes et les membres des mouvements
pédagogiques que nous étions en train de vivre une grande mutation des systèmes
scolaires, vers ce que j’ai appelé l’école néolibérale, et plus tard « la nouvelle école
capitaliste ». Mais évidemment pour cela, il fallait montrer que le néolibéralisme,
ce n’était pas seulement de l’économie, que c’était une norme générale et une forme
d’existence qui allait de en plus trouver ses conditions dans la sphère éducative.
2. Des concepts tels qu’«entrepreneur de soi-même» ou «néo-sujet» composent le
langage de l’éducation articulé aux discours méritocratiques. De quelle manière
ces concepts indiquent-ils une dynamique qui cache des contradictions sociales,
économiques et culturelles et qui tend à ne saluer que l’effort individuel?
Pierre Dardot et moi-même avons repris à Foucault ce concept si éclairant d’
« entrepreneur de soi-même », et à certains psychanalystes celui de « néo-sujet ».
Nous n’avons donc que peu innové sur le plan terminologique et conceptuel. Ce
qui nous semblait intéressant c’était de se dire qu’une certaine éducation, qu’une
socialisation d’un certain genre, et qu’une vie aussi d’un certain style, pouvaient
conduire à une nouvelle forme de subjectivité, ce que nous avons appelé la « sub-
jectivité capitaliste », liée à une identification à un capital personnel qu’il faut
valoriser durant toute son existence, en recherchant à toujours accumuler « plus de
valeur ». Un peu comme si la logique du « toujours plus » si subtilement analysée
par Marx dans Le Capital sortait du champ économique pour s’étendre à tout le
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fonctionnement social et à toutes les institutions. Cela va beaucoup plus loin que
l’idéologie méritocratique propre aux systèmes scolaires de l’époque moderne, qui
ont incorporé la morale du travail, de la peine, de la souffrance, pour obtenir une
récompense. C’est toujours une normativité qui met en jeu une notion de « mérite »,
mais elle est celle de l’accumulation individuelle indéfinie et non plus celle de l’ac-
complissement d’une personnalité autonome, selon les valeurs de l’humanisme
classique. On pourrait dire que l’individu idéal n’est plus l’homme de raison et de
dignité que voulaient incarner autrefois certains bourgeois, membres des profes-
sions libérales éduquées, mais le sportif ou le spéculateur en bourse hyperconnecté
qui a l’œil collé sur le tableau des performances de ses investissements physiques
ou financiers. Ce mode de fonctionnement de l’institution scolaire ne profite qu’à
ceux qui peuvent se permettre ce genre d’investissements dans la compétition. Il
ne peut qu’accroître les inégalités entre les classes sociales devant l’école. A mes
yeux, dans le champ éducatif, l’introduction d’une compétition exacerbée est à la
fois l’effet sectoriel d’une logique normative générale et la réponse de l’institution
à la demande d’égalité de la part des classes populaires et moyennes. La concur-
rence est une idéologie de combat et une technologie de pouvoir qui consolident
la domination de ceux qui ont tous les atouts pour dominer et qui atomisent les
dominés mis en concurrence entre eux pour obtenir les miettes du festin.
3. Les discours sur la compétitivité et l’efficacité sont incorporés dans les poli-
tiques éducatives de nombreux pays. Comment pouvons-nous avancer de ma-
nière critique pour déconstruire cette compréhension?
Comme vous le suggériez dans votre question précédente, au bout de la
concurrence il y a toujours plus d’inégalité sociale. Mais il faudrait surtout essayer
de convaincre les familles des classes moyennes qui adhèrent pour partie à un tel
système concurrentiel, d’ailleurs de plus en plus coûteux pour elles, qu’elles sont
perdantes à jouer un jeu qui détruit petit à petit le système public d’éducation en
l’abandonnant aux plus pauvres. Car au bout du processus il y a la privatisation
de l’éducation, donc l’endettement des familles et des étudiants, mais aussi l’ap-
pauvrissement des contenus culturels puisque seules les disciplines « rentables »
sur le marché du travail seront enseignées. Mais ne nous trompons pas : le combat
pour faire de l’éducation un véritable bien commun ne peut s’isoler d’une lutte
beaucoup plus générale pour une société dont la valeur centrale ne serait plus
l’accumulation mais ce que nous appelons le « commun », entendant par là l’égali-
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té, la solidarité, la démocratie véritable, le libre accès à des ressources collectives
indispensables, et en premier lieu à l’éducation. Et pour cela il vaut mieux payer
des impôts que de payer des frais d’inscription de plus en plus élevés en vuie d’un
rendement financier de plus en plus incertain.
4. La logique de la gestion d’entreprise capitaliste est en train d’être assumée dans
de multiples institutions sociales et éducatives très fortement au Brésil d’au-
jourd’hui. Quels sont les risques de ce modèle plus largement pour une éduca-
tion républicaine et plus spécifiquement pour l’école?
Le risque, c’est évidemment la croissance de l’inégalité dans les conditions
concrètes de d’éducation selon les établissements. L’école, à partir d’un certain
degré d’inégalité, ne prépare abolument pas à une société favorisant un minimum
d’intégration sociale, de communication même minimale entre les classes. Avec le
néolibéralisme, nous vivons un grand recul de l’idée d’école commune, d’école pour
tous, d’école inclusive. Les systèmes scolaires sous l’effet des logiques de marché
sont en train de se fragmenter. Et la mobilité sociale, même si elle était faible, s’en
trouve gravement atteinte. La sociologie de la reproduction a certes montré que
l’éducation républicaine dont vous parlez n’avait pas remis en question le fonc-
tionnement inégalitaire de l’école, mais elle montrait aussi que des progrès étaient
possibles. Et le seul fait que dans les sociétés très scolarisées, la reproduction so-
ciale passait par la médiation d’une sanction scolaire ouvrait une brèche dans les
mécanismes quasi automatiques de cette reproduction quand elle s’opérait de fa-
çon excluivement familiale. Ainsi, dans beaucoup de pays, l’école était bien la seule
chance, même si elle était réduite, de changer de position sociale. Et surtout, elle
pouvait dans une certaine mesure donner des outils intellectuels aux enfants des
classes populaires pour se défendre et conquérir de nouveaux droits.
Mais il existe encore un autre risque, qui est plus profond en un certain sens
et qui touche à ce que le sociologue allemand Max Weber appelait « le type hu-
main ». Faire entrer les nouvelles générations dans des entreprises éducatives,
diffuser une culture d’entreprise dès le plus jeune âge comme le recommandent les
grandes organisations économiques et financières dans le monde, c’est accélérer la
transformation de l’humain en un être purement économique, un homo oeconomi-
cus qui ne raisonne qu’en termes de coûts/bénéfices et qui a perdu tout sens des
valeurs de solidarité, de culture, de dignité. Ce n’est donc pas seulement un mode
de gestion des écoles plus efficace, c’est une culture qui se répand et qui modèle des
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subjectivités capitalistes. L’école devient alors non pas seulement une annexe du
système économique dominant, mais une vraie matrice du capitalisme généralisé.
5. Comment avancer politiquement et pédagogiquement face à la tension entre
l’individualisation et la socialisation intensifiées, dans le contexte actuel par le
néolibéralisme «hyperautoritaire»?
Les enseignants doivent résister de toutes leurs forces à cette transformation
et défendre les valeurs humaines les plus fondamentales, aujourd’hui dévaluées
par l’esprit du capitalisme scolaire. En commençant peut-être par refuser de par-
ler la langue du capitalisme scolaire, c’est-à-dire celle du management : « objec-
tifs », « culture du résultat », « rendement », « capital humain », « employabilité »,
« compétences » , etc. S’en tenir au vocabulaire classique et normal de l’éducation
humaniste, ce serait déjà beaucoup. Car comme disait Freud, si l’on cède sur le mot
on cède sur la chose. On dira que c’est uniquement « défensif ». Oui, mais pour l’ins-
tant, les éducateurs sont agressés de toutes parts et doivent se défendre contre des
formes subtiles d’invasion linquistique et conceptuelle. Elles sont subtiles parce
que cette culture capitaliste a su utiliser beaucoup des apports des mouvements
pédagogiques, en Europe et aux Etats-Unis, pour les détourner à son profit. S’il
y a une attitude plus constructive à adopter, je crois qu’elle doit consister à révi-
ser la tradition progressiste de l’éducation et à considérer d’un œil plus critique
les formes idéologiques qui ont caractérisé certains courants ou certains auteurs
regardés comme des fondements de la pédagogie progressiste. Je veux dire par là
qu’il y a une hétérogénéité idéologique dans beaucoup de ces courants qui n’a pas
été suffisamment analysée, ce qui a entraîné beaucoup de confusions dont a pro-
fité le capitalisme scolaire. Des éducateurs progressistes se sont fait les porteurs
malgré eux de contenus individualistes, utilitaristes, psychologistes, au détriment
de la sociologie critique et de l’esprit coopératif. Le travail à la fois théorique et
pratique est immense : refonder une éducation démocratique au-delà des réutilisa-
tions néolibérales des pédagogies dites nouvelles. Et dans cette tâche considérable,
la difficulté est qu’il faut tenir étroitement liées quatre dimensions : la création
de situations éducatives réellement égales ; la construction d’une culture scolaire
commune, socle solide à poser avant les spécialisations ultérieures ; la mise en
place d’une pédagogie coopérative dès le plus jeune âge ; et une organisation dé-
mocratique des écoles dans lesquelles chacun, quelle que soit sa place d’éducateur,
d’élève et de parent, puisse participer à une activité commuen.
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6. L’éducation a un rôle fondamental dans la formation du sujet démocratique.
Pourquoi l’éducation ne réussit pas complètement à former par la démocratie,
mais des sujets indifférents, autoritaires ou même «fascistes»?
D’abord l’école ne peut pas tout. C’est la société qui éduque d’abord. Si le fas-
cisme est très présent dans une société, elle produit beaucoup de sujets fascistes, et
c’est la même chose pour le racisme ou le machisme. Il faut arrêter de trop attendre
de l’école. Ensuite, les systèmes scolaires quand ils se sont créé n’ont pas eu comme
but de former des sujets démocratiques. Il s’agissait de former des chrétiens puis
des citoyens obéissants de l’État nation. On oublie trop que l’idée d’émancipation
des Lumières ne s’est pas réalisée concrètement dans les institutions réellement
existantes. Ce sont l’Église et l’État qui ont fait l’École, et cette dernière en est
restée profondément marquée, comme du reste toutes les institutions des sociétés
européennes ou issues de la colonisation européenne. Et aujourd’hui c’est l’Entre-
prise qui veut modeler l’École. Donc, cette idée selon laquelle « L’éducation a un
rôle fondamental dans la formation du sujet démocratique » a été très peu ou très
mal incorporée dans les structures réelles de l’institution. Et elle est aujourd’hui
chassée par l’idée selon laquelle il faut former des sujets économiques. Mais sans
doute ce mythe progressiste de la formation du sujet démocratique est-il plus que
jamais indispensable pour donner aux éducateurs et aux enseignants un sens à
leur travail, mais encore faut-il qu’ils soient bien conscients que ce n’est pas la
réalité. La question pratique, politiquement efficace, est donc plutôt de se deman-
der comment ce mythe utile peut devenir réalité. Et donc comment faire pour que
l’école ne produise plus ou produise moins de futurs sujets fascistes, racistes et
machistes. La réponse ne peut tenir en quelques lignes, mais on peut dire de façon
sans doute trop générale que ce qui est le plus précieux dans la tradition démo-
cratique ce sont trois valeurs et façons d’être : 1) le sens de l’égalité réelle entre
tous les jeunes, comme entre jeunes et adultes dans le respect des fonctions et des
places différentes ; 2) le sens de la coopération démocratiquement organisée dans
les apprentissages, les activités scolaires, la vie de la classe et de l’école ; 3) le sens
de l’autonomie individuelle et collective, et surtout le sens du rapport qui existe
entre l’autonomie individuelle et collective. Et tout ceci demande à s’incarner
dans une organisation concrète, qui n’existe pas encore. L’éducation démocratique
n’existe pas, elle est un projet.
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Quelles nouvelles perspectives le commun peut-il ouvrir, en tant que principe po-
litique, pour penser des processus éducatifs émancipatoires? En ce sens, quel type
d’imaginaire politique l’éducation peut-elle ou doit-elle encore aider à penser?
Dans l’ouvrage Commun nous n’avons pas développé la dimension éducative,
et vous faites bien de poser la question. Je suis en train de mettre au point avec
un ami syndicaliste, Francis Vergne, un nouveau livre, dont le titre provisoire est
Éducation démocratique. Nous essayons de tracer les grandes lignes d’un nouveau
système éducatif propre à une société effectivement démocratique, c’est-à-dire or-
ganisée selon le principe du commun. Nous entendons par « commun » non pas une
caractéristique naturelle comme dans le droit romain, la théologie ou l’économie
néoclassique mais comme un ordre juridico-politique qui a pour double modalité
la participation démocratique à tous les niveaux et dans toutes les activités col-
lectives, et la libre jouissance à égalité des ressources collectives jugées indispen-
sables à l’épanouissement individuel et à la vie collective. L’un des aspects les plus
importants, c’est le rapport que tous les élèves et les enseignants doivent avoir
selon nous à la connaissance dans une société démocratique. Non pas comme un
capital personnel qui assure une position de domination, mais un produit et une
dimension de l’intelligence collective. Faire de la connaissance un bien commun,
comprendre de façon sensible que la création de connaissance est affaire collec-
tive et que l’apprentissage a aussi une dimension collective, nous paraît essentiel.
L’individualité ne peut se développer dans sa différence et sa singularité que dans
l’échange et l’activité coopérative. En ce sens, le principe du commun peut servir
à redonner de la cohérence aux pratiques pédagogiques et à la redistribution du
pouvoir dans les établissements.
8. Comment considérez-vous la réception de l’œuvre Commun : Essai sur la révo-
lution au XXIe siècle jusqu’à ce moment?
J’ai envie de vous répondre en plaisantant : le sous-titre du livre a anticipé
une réception sur un siècle ! Nous avons donc le temps d’en juger ! Blague à part,
la réception est assez curieuse. Le terme de « commun » est utilisé partout en
France, en Europe et dans beaucoup de pays. Il y a un effet de mode considérable.
Aux dernières élections municipales françaises, en mars 2020, beaucoup de listes
ont adopté un nom sur le modèle de « Barcelone en commun ». C’est ainsi que
j’ai pu voter pour une liste intitulée « Paris en commun ». Mais cela n’a que peu
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avoir avec notre proposition politique beaucoup plus radicale. Toute la question
est de savoir si durant les décennies prochaines un nouveau corps doctrinal saura
condenser trois types de lutte qui pour nous sont liées dans le revendication du
commun : la lutte pour la démocratie, la lutte pour l’égalité sociale et la lutte pour
sauver la planète. Le concept de commun pourrait contribuer efficacement à cette
synthèse. Mais cela ne dépend pas des auteurs du livre mais des acteurs politiques
et sociaux, s’ils en sentent la nécessité, si le lexique du commun et des communs
leur paraît clarifier le sens qu’ils donnent à leurs combats.
Nota
1
Cette entrevue a été concédée par courriel aux organisateurs de l’édition 2021/1 de la revue Espaço Pe-
dagógico, Angelo Vitório Cenci et Telmo Marcon. Il a été réalisé et traduit par le doctorant du Programa de
Pós-Graduação em Educação de la Universidade de Passo Fundo (PPGEDU/UPF) qui participe au Groupe
d’études sur le néolibéralisme et les alternatives (GENA) coordonné par les auteurs avec lesquels nous
avons dialogué.